Le hasard (re)fait bien les choses

La journée commença difficilement avec une très longue traversée – debout – de Kunming en bus pour rejoindre la gare routière d’où partaient les cars pour Jianshui. Nous regrettâmes sur le coup de ne pas avoir opté pour un taxi, mais, encore une fois, ce choix devait s’avérer finalement très positif.

En effet, dans le bus, il y avait un autre Occidental et sa compagne chinoise, qui vint gentiment nous parler et nous aider à l’arrivée à la gare routière. Elle s’occupa d’acheter nos billets et nous offrit de quoi manger – notamment des épis de maïs qu’elle avait préparés. Heureuse attention car la gare routière était si éloignée de tout qu’il n’y avait aucune gargote pour se restaurer – chose très étrange en Chine.

Dans le bus, nous pûmes faire plus connaissance. Le garçon, néerlandais, s’appelait Remco et la jeune femme, Jie. Ils s’étaient rencontrés à Kunming, où ils s’étaient mariés et où ils vivaient ensemble, mais s’apprêtaient à partir vivre en Allemagne – j’appris à cette occasion que les Pays-Bas avaient une politique d’immigration ultrarestrictive puisque, même mariée à un Néerlandais, Jie n’avait pas le droit de venir y vivre en raison d’un test linguistique très strict.

Le voyage fut très sympathique. Nous apprîmes beaucoup de choses sur Kunming et la vie en Chine. Nos deux compagnons se rendaient eux aussi à Jianshui – leurs dernières vacances avant le grand saut en Europe – avant de poursuivre comme nous jusqu’aux fameuses rizières en terrasse tout au sud du Yunnan. « Nous allons nous suivre », sourit Remco. Ce fut en effet le début d’une très belle aventure de quelques jours passée tous les quatre aux confins de la Chine.

Nous n’avions pas réservé d’hôtel à Jianshui. Jie nous proposa de réserver dans le même établissement que le leur. Elle négocia même le prix pour nous, nous offrant une belle réduction. Quand nous découvrîmes la pension et la chambre en fin d’après-midi, ce fut un ravissement – surtout après notre étape à Kunming. Nous avions l’impression de vivre dans une vieille maison patricienne de la ville – les touristes d’ailleurs pénétraient souvent dans la charmante cour pour prendre des photos.

Nous abandonnâmes nos deux amis pour aller nous reposer et nous rafraîchir, puis nous sortîmes un peu plus tard pour aller dîner. Nous croisâmes Remco et Jie, qui étaient en train de se faire confectionner des bracelets en argent dans une bijouterie. Ils avaient déjà mangé des brochettes dans une petite gargote de la ville. Quant à nous, sur les conseils de l’hôtel, nous allâmes déguster un merveilleux festin dans un très beau restaurant de la ville. Divin, mais peu raisonnable compte tenu de nos problèmes de santé de la veille…

Confucius, Tao et les autres

Ce qui devait arriver arriva : je me réveillai souffrant. Nous partîmes néanmoins visiter le temple de Confucius, le grand sage qui a façonné durablement la société chinoise. Ce magnifique sanctuaire serait le deuxième de Chine par sa taille. Avec sa trentaine de pavillons, son impressionnante mer des études – un gros étang recouvert de nénuphars symbolisant la grandeur du savoir confucéen –, ses somptueux portiques, ce temple-école construit au XIIIe siècle de notre ère est la grande attraction de la ville.

Malheureusement la visite fut compliquée par mon état physique. J’étais pris de vertiges, de bouffées de chaleur, d’horribles douleurs abdominales et j’eus plus d’une fois l’impression que mes jambes allaient se dérober. La visite terminée, je retrouvai un peu d’énergie et nous allâmes visiter la ville à petit rythme. Nous nous arrêtâmes d’abord dans un temple taoïste – l’autre grande école de pensée chinoise –, en plein préparatifs de fête. Puis nous remontâmes jusqu’à l’imposante tour Face au Soleil, ancienne porte fortifiée de la ville datant de 1389.

Le temps était devenu menaçant ; nous décidâmes de presser un peu le pas avant que la pluie ne s’invite. Nous poursuivîmes notre balade dans un vieux quartier hui où nous découvrîmes une petite mosquée et un adorable petit temple bouddhiste – nous venions en deux heures de rencontrer toutes les grandes influences spirituelles de Chine.

Nous accélérâmes encore un peu la visite des petites rues où le temps semblait s’être arrêté et nous retournâmes vers le centre, où nous nous assîmes dans un petit café à l’occidentale afin d’avaler un morceau – très petit pour moi, puisque j’avais vraiment perdu tout appétit – et de travailler sur le site. Bien nous en prit car à peine étions-nous installés que des trombes d’eau s’abattirent sur la ville.

Le soir, après un repos à notre hôtel, nous ressortîmes avec Remco et Jie, avec qui nous avions décidé d’aller manger des brochettes. Pour notre plus grand plaisir, Remco et Jie nous emmenèrent dans un quartier que nous n’avions pas encore exploré. Puis nous nous installâmes pour savourer de délicieuses brochettes relevées à souhait, que je ne pus apprécier autant que je l’aurais voulu à cause de ma petite forme. Je dus même me forcer un peu pour goûter à tout. A cet instant, je savais déjà que je le paierai le lendemain. Qu’importe, la soirée fut très sympathique, Remco et Jie furent aux petits soins avec nous et, en nous couchant, nous nous réjouîmes de poursuivre notre chemin le lendemain avec nos nouveaux amis jusqu’aux fameuses rizières en terrasse de Yuanyang, notre dernière étape au Yunnan et en Chine.