Un nouvel ange
Le trajet jusqu’à Lijiang commença étrangement. J’eus l’impression de revenir « à la maison » – à Moscou – en voyant des Russes se presser dans les couloirs et le hall d’attente. Alors que je croyais partir pour une région mal connue des Occidentaux, se pouvait-il que les Russes eux s’y rendissent en nombre ? J’étais en plein doute quand une annonce résonna dans l’aéroport : « Last call for Vladivostok ».
Dans l’avion, nous mîmes un peu de temps à nous installer et nous dérangeâmes deux fois le garçon qui était assis à côté de moi. Celui-ci ne m’en tint pas rigueur, puisque, quelques minutes après le décollage, alors que Katya s’était assoupie, nous entamâmes la conversation en anglais. Le garçon s’appelait Tony. Il m’apprit qu’il était originaire de la région de Shanghai mais qu’il travaillait à Hong Kong pour la Bank of China. Tony se rendait lui aussi à Lijiang, où il venait superviser les travaux réalisés dans l’hôtel qu’il souhaitait y ouvrir, afin notamment de permettre aux parents de sa femme de quitter Pékin et son air vicié pour venir s’occuper de l’affaire. Plus tard, espérait-il, sa femme et lui pourraient quitter Hong Kong – « épuisante et surpeuplée » – à leur tour pour venir diriger directement l’établissement et vivre en famille.
Le temps passa très vite à bord. Je questionnai Tony sur Lijiang, le thé – qu’il appréciait et connaissait bien – pour Katya – et bien d’autres sujets touchant au Yunnan et à la Chine. Nous atterrîmes à Kunming – capitale du Yunnan où nous devions revenir plus tard –, pour une courte étape et nous passâmes sans problème le contrôle des visas. De retour dans l’avion – le même –, la conversation reprit naturellement. Tony, qui restait tout le week-end à Lijiang, proposa de nous retrouver le lendemain pour nous conduire dans une maison de thé de la ville où il avait ses habitudes. Katya était ravie, nous acceptâmes donc avec enthousiasme sa proposition.
Arrivés à l’aéroport de Lijiang, nous nous séparâmes en notant soigneusement le numéro de téléphone de notre sympathique compagnon de vol. Nous retrouvâmes le chauffeur que notre hôtel avait envoyé nous chercher – moyennant finances évidemment. Arrivant dans la nuit, nous fûmes bien contents de nous être offerts ce petit luxe. D’autant que le trajet jusqu’à la ville fut long. Nous goûtâmes ce privilège, sachant que ce serait la dernière fois, puisque après cette étape nous n’avions plus rien de réservé, plus rien de simple ni de certain.
A l’hôtel – Moon Inn –, le très tranquille patron « Eric » nous accueillit avec un bon thé – pu’er évidemment – dans la ravissante petite cour de l’hôtel. Il était déjà tard, mais nous partageâmes ce moment avec beaucoup de plaisir entouré d’autres pensionnaires – tous chinois –, avec qui nous échangeâmes avec plaisir quelques phrases et quelques conseils – on m’offrit même un livre dont je reparlerai plus tard. Puis nous les abandonnâmes pour gagner notre « grande et belle » chambre – l’effet Hong Kong –, pour nous reposer enfin de cette journée de transit.
Un étang sans eau et une vague de touristes
Le lendemain matin, nous nous levâmes tôt, comme le préconisait notre guide de voyage. Bien nous en prit. La vieille ville, paisible et enchanteresse, devint un véritable enfer dès la fin de matinée. Nous nous rendîmes d’abord au parc de l’Etang du Dragon Noir, pour voir la fameuse « carte postale » : un pont et un pavillon délicats se reflétant dans l’eau de l’étang avec des montagnes aux cimes enneigées en arrière-plan. Le guide nous mettait en garde sur la probabilité, à la saison de pluie, que la montagne ait disparu dans la brume. Ce que nous découvrîmes fut bien pire encore : c’est l’étang lui-même qui s’était « évanoui ». Plus une goutte d’eau – un comble pour la saison des pluies – et à la place une terre craquelée digne des déserts africains.
Déçus, nous fîmes néanmoins le tour du parc, nargués par une pluie fine qui s’était invitée. Ce fut l’occasion d’assister au spectacle de ces groupes de retraités dansant ou pratiquant le taïchi dans les parcs ou sur les places le matin ou le soir.
A la sortie du parc, nous visitâmes le petit musée Dongba, consacré aux Naxis. Cette très ancienne ethnie – qui fait partie des vingt-cinq ethnies présentes au Yunnan – est notamment connue pour être un des derniers matriarcats dans le monde. Si ce matriarcat a disparu peu à peu des grandes villes comme Lijiang, il est toujours présent dans le nord du Yunnan, près du lac Lugu, où nous espérions nous rendre. Les femmes y dirigent la famille, aidées de leurs frères et cousins, qui font office de père pour les enfants. Les amants – les Naxis ne se marient pas, les femmes étant théoriquement libres de s’unir à qui elles veulent au cours de leur vie – n’ont aucun droit sur leurs enfants, ainsi, quelque soit le père biologique, le lien familial est maintenu puisque les enfants seront tous également élevés par leur mère et leurs oncles.
Après le musée, nous fîmes une petite marche dans la ville avant d’aller déjeuner dans une sorte de marché culinaire où chaque vendeur propose des mets alléchants, que l’on peut déguster sur des petites tables placées eu centre de la halle. Enfin, assommés par le monde qui déambulait dans les petites rues de la ville, nous allâmes nous enfermer pour l’après-midi dans notre pension, à l’abri de l’agitation. Nous apprîmes plus tard que les touristes chinois venaient en nombre – doux euphémisme – de Kunming, surtout pour le week-end. En revanche, nous croisâmes très peu d’Occidentaux, qui n’apprécient sûrement pas le bain de foule quotidien et l’hyper-marchandisation de la ville, débordant de boutiques de souvenirs en tout genre.
Le soir, après avoir appelé Tony, nous le retrouvâmes sur la jolie place Si Fiang Jié. Accompagnés de son frère, nous nous rendîmes tous les quatre dans la maison de thé dont Tony nous avait parlé la veille. Endroit de rêve pour une dégustation de thé, pendant laquelle on nous servit des thés merveilleux. La jeune femme qui conduisait la cérémonie ainsi que Tony purent donner de précieux conseils à Katya et l’aider dans ses choix. Katya, heureuse, repartit avec trois très bons thés du Yunnan. Avant de nous séparer, Tony nous indiqua un bon restaurant à petit prix pour aller nous restaurer.
La paix retrouvée
Le lendemain, nous nous levâmes encore tôt – un peu moins que la veille – afin de profiter de la ville avant le grand rush et de visiter la pagode Wanggu, situé au sommet de la colline du Lion. La pagode en elle-même n’est pas très enthousiasmante, mais la vue sur la ville et les monts du Dragon de Jade est somptueuse. Nous restâmes longtemps seuls en haut de la pagode à profiter des jeux de lumière – même le gardien n’était pas encore arrivé et nous aurions pu nous servir sans que quiconque ne le sache dans les étals de souvenirs en tout genre restés sans surveillance…
Nous redescendîmes ensuite de notre perchoir pour aller explorer la ville un peu plus. Après avoir assisté à un spectacle de danse traditionnelle, nous nous éloignâmes du centre afin d’éviter les touristes qui commençaient à affluer. Nous visitâmes notamment le très grand marché Zhongyi, où nous mangeâmes une bonne soupe de nouilles et des pommes de terre épicées. Après le repas, nous « tournâmes » autour du centre, empruntant des petites rues au hasard, découvrant des havres de paix insoupçonnés, où de nombreux petits hôtels de charme éveillaient le désir de s’y poser un moment.
Puis nous prîmes un bus jusqu’au village de Baisha, ex-capitale des Naxis, pour y voir les fresques du palais Dabaoji, vieilles représentations de Bouddha datant de 500 ans.
Le soir, nous rejoignîmes Tony, avec qui nous savourâmes un délicieux repas arrosé de Dali Beer au bord d’un charmant canal. Un moment très chaleureux, pendant lequel notre ami nous invita à revenir dans le Yunnan l’année prochaine afin de nous emmener, avec sa femme et lui, en voyage sur la « route » du thé. Un beau projet que nous espérons – l’année prochaine ou un peu plus tard – pouvoir réaliser. Sans compter que nous sommes impatients de voir son hôtel.
Comme Hong et Eric avaient été nos anges gardiens à Macao, Tony avait été pour nous l’ange de Lijiang. Thank-you so much, Tony ! Quelle chance de rencontrer deux fois de suite des personnes aussi charmantes avec qui nous espérons pouvoir tisser des liens dans l’avenir ! Le voyage commençait idéalement. Je disais même à Katya que, même si nous ne devions plus rencontrer personne jusqu’au sud du Viêtnam, le voyage était déjà réussi avec ces beaux moments d’amitié.
Le lendemain, après une nouvelle balade matinale, nous passâmes la fin de matinée et le début d’après-midi à notre hôtel, avant de partir en bus pour Qiaotou, point d’accès aux fameuses gorges du Saut du Tigre.
Je peux toujours demander pour Boutin, mais c'est pas un cadeau pour les Dongba... Sinon, je vois que nous ne sommes pas les seuls - avec Christophe - à nous être pris une arnaque "au thé" à Shanghai... C'est d'autant plus étonnant que le "reste" du pays est plutôt sûr...
Salut, Pourrais tu stp négocier avec ton pote Tony de prendre christine boutin en stage chez les Dongba pour lui montrer "qu"une autre conception de la cellule familiale" est possible ? Et puis ça nous ferait des vacances... Pour ce qui me concerne, je me suis pris une arnaque à la maison de thé hier soir à Shanghai, ravi de voir qu'il est possible que ça se passe bien... a+
Superbe étape et toujours de belle rencontre !!! J'y retrouve la Chine que j'avais tant aimé à Pinyao. Vivement la suite ! PS: est-ce normal que les rares photos de toi soient toujours prisent en plein festin ? Portez-vous bien, biz Marina, Juliette, Manon et Christophe
Oui, Pingyao reste un super souvenir pour moi aussi ! Tu as raison, Lijiang est une ville pleine de charme comme Pingyao peut l'être. Pour les photos prises en plein "festin", c'est sûrement un coup monté. Quant à la toxicité de la cigarette en bois - un bout de bois en fait - je préfère ne pas savoir...
Coucou, super comme toujours, tu me fais voyager avec vous. Merci et bises
Euh... la cigarette en bois... Ouiiiii... C'est toxique ?