Jour 4 : Gdansk – 0 km

Une merveille. Nous fûmes bien inspirés de nous arrêter deux nuits à Gdansk. Ce fut une étape de rêve pour une journée sans voiture.

Alors que, sous un ciel gris, le tramway descendait de la colline vers le centre nous étions loin de nous douter du plaisir qui nous attendait. Après avoir franchi la bien nommée Porte Haute puis la Porte Dorée, nous fûmes aussitôt sous le charme de la longue et gracieuse rue Dluga, dont les façades de style flamand rivalisent de beauté et de couleur pour attirer l’œil des passants.

 


 

Nous remontâmes lentement la rue jusqu’au majestueux hôtel de ville, avant de poursuivre sur la Voie Royale jusqu’à la Porte Verte, qui débouche sur les quais. A peine remis de nos émotions, nous fûmes de nouveau saisis par la beauté des quais, des hautes maisons le dominant et de sa vieille grue médiévale en bois reconstruite au quinzième siècle, époque où les lourds bateaux de marchandise remontaient encore de la mer jusqu’au centre. En face, les anciens stocks en ruine, d’où émerge un unique bâtiment inquiétant, rajoutaient encore un peu de mystère et de magie au lieu.

Nous quittâmes le quai pour remonter la belle mais trop touristique rue Mariacka jusqu’à l’imposante église Sainte-Marie, dont nous montâmes patiemment les escaliers vertigineux pour gagner le sommet de la tour, depuis lequel on dominait toute la ville, appréciant encore un peu plus les atours de la Perle de la Baltique. Nous aperçûmes aussi pour la première fois la mer et devant elle les fameux chantiers navals, d’où est partie la vague nommée « Solidarnosc » emportant avec elle tout le système soviétique.

 


 

Redescendus sur les pavés, ce fut le début d’une longue marche.  Nous commençâmes par le vieux marché couvert faisant face à l’église Saint-Nicolas, datant du XIIe siècle – seule église ayant été complètement épargnée par les bombardements de la Seconde Guerre mondiale. Car, et c’est là le miracle de Gdansk, la ville a été détruite à 90% par les bombardements. Mais les habitants, qui refusèrent de voir leur cité morte, s’évertuèrent pendant vingt ans à la rebâtir à l’identique, ou presque. Et bien que je sois plutôt réticent aux reconstructions « à l’identique », il faut avouer que le résultat est saisissant et qu’il eût été dommage qu’une telle richesse fût perdue.

Nous passâmes ensuite devant le Grand Moulin, fondé en 1350, qui pouvait moudre, grâce à ses dix-huit roues hydrauliques, près de 200 tonnes de céréales par jour. On arriva enfin au Monument aux ouvriers du chantier naval tombés en 1970, qui fut édifié au temps du « communisme » sous la pression du syndicat Solidarnosc, que le régime en place fut obligé de reconnaître avant qu’il ne causât sa perte. L’entrée des chantiers est maintenant un lieu de mémoire et de pèlerinage : morceaux de murs où Lech Walesa haranguait la foule, blindés d’époque, gerbes de fleurs et messages de paix sont exhibés sous les fenêtres des locaux du syndicat.

Nous poussâmes un peu plus loin encore pour sentir un peu l’atmosphère des chantiers où une partie de l’histoire moderne de l’Europe s’est jouée. L’arsenal fait aujourd’hui grise mine. Celui qui a terrassé hier le communisme n’a guère les faveurs du capitalisme, ingrat, qui le trouve trop peu rentable. Les révolutions ne profiteraient-elles jamais à leurs héros ?

Le quartier a gardé malgré tout de sa force et de son aura, et notre courte traversée me marqua profondément.

Le soir, après être repassés à l'hôtel nous reposer devant un ennuyeux France-Nigeria, nous repartîmes en ville, où nous dégustâmes un savoureux repas sur les quais au restaurant Tawerna Dominikanska.

Rassasiés et enivrés par un très bon vin argentin, nous fîmes un petit tour dans la ville, afin de la « goûter » une dernière fois. Un pur bonheur. Nuit et jour, Gdansk enchante et séduit. Dans le taxi qui nous ramenait à notre pension, je sentais tout l’attrait que la ville exerçait sur moi et monter une irrésistible envie de revenir dès que je pourrais.