Bagages trop gros ou cabine trop petite. Voilà la question absurde qui agite notre début de nuit de train entre Ekaterinbourg et Kazan. On a beau retourner, regarder et essayer, rien n’y fait. On abandonne. Et on dort.
9 heures, Kazan, capitale du Tatarstan. Le froid intense de l’Oural a laissé place à l’air humide et chargé de neige de la Volga. Après être sortis du labyrinthe de la gare de Kazan et s’être soumis aux contrôles anti-terroristes renforcés de cette période préolympique, nous partons à travers la ville. Notre hôtel n’est pas si loin, mais la marche jusqu’à la rivière Bulak nous semble longue avec nos bagages qu’il faut traîner dans les rues boueuses et enneigées.
L’hôtel – une chaîne française – est médiocre. Qu’importe, on apprécie la douche après une nuit de train. On repart vite pour profiter du jour. Nous remontons lentement l’agréable rue piétonne Baoumana jusqu’au pied du fameux Kremlin blanc, duquel s’élance les minarets de la mosquée Kul Sharif.
Les souvenirs surgissent en moi ; ceux d’un été exquis où le kremlin m’est apparu la première fois. Cette fois, au milieu de ce monde blanc, il semble plus à son aise, mêlé subtilement aux rues enneigées. La mosquée n’est pas bien vieille, mais elle fait son effet. Dedans, les couleurs et les dorures tapageuses appellent vers un ciel fortuné.
L’enthousiasme ne retombe pas, bien au contraire, lorsque l’on pousse les portes de la cathédrale de l’Annonciation ou que l’on découvre la silhouette de la tour Suyumbike, aussi inquiétante que sa cousine pisane.
L’âme rassasiée, il nous faut encore penser à nourrir l’estomac. Nous remontons l’élégante rue Kremliovskaya sans trouver de petit café à notre goût et à notre budget. Nous revenons enfin au milieu de la rue Baoumania, où nous faisons halte à la Dom Tchaïa (« maison de thé »), sympathique petite cantine à l’atmosphère nostalgique.
On fait un dernier effort pour aller jusqu’au bout de la rue piétonne et nous retournons à l’hôtel nous détendre. Le soir, suivant les conseils des réceptionnistes de l’hôtel, nous nous asseyons à la table d’un restaurant oriental branché de la ville, où nous savourons un excellent dîner dans un décor des Mille et Une Nuits.
7 janvier. Après un bon petit déjeuner dans un café de l’incontournable rue Baoumania, nous partons visiter le musée national de la République du Tatarstan. En route, nous nous arrêtons dans la très originale cathédrale Saints-Pierre-et-Paul, où nous faisons la connaissance d’un Romain et de son épouse russe, heureux de rencontrer d’autres Européens.
La visite du musée me passionne autant que la première fois, et l’on a même la surprise d’assister, dans la cour, à une reconstitution en costumes des batailles napoléoniennes ayant opposé Français et Russes.
Les canons finissent toujours pas se taire. Nous nous employons à fêter l’amitié franco-russe. La bière et les vodkas coulent à flots ; les salades, les saucisses et les zakouskis se succèdent ; les éclats de rire relèvent le tout. Après le musée, nous avons retrouvé Semen et ses amis, eux aussi de passage à Kazan pour les fêtes. Le restaurant de spécialités russes, où Semen a eu la bonne idée de nous conduire, propose des plats bon marché aussi copieux que savoureux.
Autour de cette bonne table, l’après-midi passe vite, et quand nous ressortons il fait déjà nuit noir. L’air froid nous fait du bien. Nous avons des calories et de l’alcool à brûler. Après avoir salué et remercié nos amis pour cet agréable moment, nous décidons de repartir vers le Kremlin pour une petite balade nocturne. Magique.
8 janvier. Petit déjeuner russe copieux et visite d’une exposition très française, « Les impressionnistes et leur temps », à la galerie « Ermitage », petite sœur du célèbre musée pétersbourgeois, dans le Kremlin de Kazan. Notre dernière journée de voyage commence bien.
La visite terminée, on retrouve l’air frais avec plaisir, et nous commençons une belle balade le long de la rivière Kazanka, gelée, qui se jette dans la Volga devant le Kremlin. On retourne enfin vers le centre, passant devant la traditionnelle statue de Lénine et le grand théâtre qui lui fait face.
Le temps s’est réchauffé au cours de la journée. La neige s’est changée en pluie. Il est temps de s’arrêter. Nous prenons place dans un restaurant de la chaîne que Semen nous a fait découvrir la veille pendant que les filles vont se faire couper les cheveux à côté pour deux euros la coupe !
Après ce bon repas, on repart pour une dernière marche dans le quartier de la prestigieuse université fédérale de Kazan, qui a notamment accueilli le père de la Révolution russe.
Nous repassons à l’hôtel chercher nos bagages et prenons la direction de la gare. Un dernier effort à faire avec nos grosses valises, malheureusement prolongé après un petit détour imprévu.
Notre cabine est très luxueuse – on nous a même distribué un repas. Et mieux encore, nos grosses valises trouvent leur place sous les couchettes, nous évitant de revivre l’inconfort de notre dernier trajet. Nous avons une dernière surprise : dans le couloir, nous croisons les amis de Semen, avec qui nous avons passé l’après-midi la veille. Le hasard les a placés dans la cabine mitoyenne à la nôtre !
Cette fois, nous n’avons plus le cœur à la fête et, fatigués, nous nous délassons dans notre cabine. Le voyage a été merveilleux mais il nous faut recharger les batteries avant les événements importants qui nous attendent les jours suivants. La boucle est bouclée. Je ferme les yeux et des images féeriques me reviennent. Tout est blanc, pur et froid.