Jour 1 : Moscou-Rezekne – 700 kilomètres

Plus de 600 kilomètres sans rien ou presque, sinon les éternels bouleaux et pins de Russie, dressés indéfiniment le long de la route, dont le bon état et le confort nous étonnèrent positivement. Au-dessus de l'océan de verdure entaillé par une lame d’asphalte, un ciel menaçant donnait la touche finale à ce tableau d’une beauté brute et mélancolique.

Sauvage cette Russie, comme les épicières d’un village sorti de la nuit des temps, qui nous accueillirent avec l’impolitesse et la rudesse qui se doivent, contredisant une fois encore l’idée reçue selon laquelle les Moscovites – les gens des capitales – seraient plus désagréables que les provinciaux.

Si la route se passa pour le mieux, le passage de la frontière fut plus difficile. A six kilomètres de celle-ci, commença une file de camions discontinue, à moitié garés sur la file d’arrêt d’urgence – peut-être 250 ou plus. Nous la remontâmes avec étonnement et un peu d’inquiétude. Nous arrivâmes enfin à la frontière, où nous attendîmes un long moment, pris dans un jeu d’équilibre subtil entre les dizaines de camions et les quelques voitures qui attendent un signe des douaniers pour avancer. Un camion passait toutes les trois minutes environ ce premier point de contrôle, et un calcul rapide de ce temps ramené au nombre de camions attendant leur tour nous donna le vertige.

On nous fit enfin signe et nous abandonnâmes les courageux camionneurs à leur long supplice. Nous n’étions pas tirés d’affaire pour autant puisqu’il fallut se plier aux formalités et aux caprices des douaniers lettons, qui cherchèrent à nous faire acheter une assurance supplémentaire, prétextant que celle de Katya n’était pas valide. C’était sans connaître l’opiniâtreté de ma petite Russe, qui réussit à nous faire partir « en douce », profitant de l’absence de l’agent qui avait exigé ce nouveau document.

L’« évasion » – ou l’invasion – réussie, nous nous mîmes à rechercher un hôtel. Ce fut là aussi plus compliqué que prévu et nous dûmes pousser cinquante kilomètres plus loin jusqu’à la ville de Rezekne, qui nous offrit une halte improbable mais sympathique.