Le maillage impénétrable de pins et de bouleaux qui défilent par la fenêtre est un pansement sur mes blessures. Ces étendues où l’homme se fait rare ne m’ont jamais semblé aussi accueillantes. Seront-elles assez vastes pour que j’y noie ma tristesse ?

Hier, Moscou aussi semblait triste. Cette géante de béton et d’acier aurait-elle des états d’âme ? Dans les rues, le métro, des visages éteints. L’impression que la ville n’est qu’un décor de théâtre ; les gens jouent leur rôle sans y croire.

Je me promène sur le quai de Svir ; grande gare au milieu de nulle part. Nulle part, c’est encore le meilleur endroit où aller.

Des wagons de marchandise s’étendent à l’infini. A qui et à quoi sont-ils destinés ? Quel long voyage les attend ? Je ne serais pas étonné que la plupart soient vides et que leur long périple n’ait pour but que de les mouvoir dans le néant.

Je remonte dans le train ; les femmes s’occupent de leurs enfants ; on va et on vient le long du couloir ; le samovar, les toilettes ; cause et effet. Un voyage est rassurant : il donne l’illusion, un instant, que les chemins mènent quelque part. Pourtant, l’air de rien, nous poursuivons nous aussi notre course vers le néant.

Mes yeux reviennent inlassablement vers la vitre, attirés par l’aura magnétique de la forêt. Je me soûle des parfums de la vie sauvage. Le néant ne pourra rien contre nous tant que nous aurons la beauté pour nous en consoler.