Kazimierz Dolny - Minsk – 530 km

Nous partîmes très en retard de Kazimierz Dolny, peinés sans doute de devoir quitter sa douceur pour nous débattre bientôt dans le bouillon moscovite. Nous laisserions derrière nous l’Europe et les vacances. C’était un petit monde qui s’achevait ; celui d’un été aux mille saveurs.

Nous mîmes presque trois heures pour rejoindre la frontière biélorusse. Les derniers kilomètres furent compliqués ; nous longeâmes longtemps une route strictement enfermée entre de hautes grilles vertes surmontées de caméras de surveillance. Sans doute la route des camions, contrôlés en amont, jusqu’à la frontière.

Le poste frontière atteint, commença une longue attente. D’abord du côté polonais. Faire la queue derrière des files de voiture, attendre un signe, donner les passeports, ouvrir le coffre – mon dieu ! –, produire les documents de la voiture, remplir quelques formulaires ; attendre encore et encore.

Nous franchîmes enfin le Boug, le fleuve séparant les deux Etats, par ce pont typique des frontières « naturelles », froid et inhospitalier. Et rendu moins sympathique encore par la nuit, installée depuis longtemps. Nous arrivâmes aussitôt au poste de contrôle biélorusse. Nouvelle attente. Avec un peu plus d’angoisse. Cette fois, le contrôle de nos marchandises risquait d’être plus strict. Qu’allait-il advenir, notamment, de toutes nos bouteilles ?

Etait-ce la lassitude devant ce bouchon de gens pressés et rendus maussades par la nuit ? Toujours est-il qu’on nous laissa passer sans problème. Le contrôle plus formel que réel fut vite expédié : « Qu’avez-vous dans le coffre ? – De la vaisselle. – Combien de kilos ? – Hum… peut-être vingt ou trente kilos. – Circulez. »

En quittant la frontière, nos yeux s’arrêtèrent sur l’horloge. Il était 23 heures, l’heure à laquelle nous espérions rejoindre Minsk. Nous avions perdu quatre heures à la frontière ! Nous nous enfonçâmes dans ce territoire inconnu, peut-être le plus « secret » d’Europe. Nous arrivâmes très vite à la célèbre ville de Brest (ex-Brest-Litovsk), dont nous n’aurons comme souvenir qu’un fast-food local, qui aurait pu servir de décor à un film policier américain. Malgré l’heure tardive, nous décidâmes de conserver notre plan initial et de rallier Minsk. Fatigués, nous nous relayâmes pour effectuer les quatre heures de route nous séparant de la capitale biélorusse.

Minsk, trois heures du matin. Des rues vides ; une ville fantôme. Pas vraiment ce que j’avais imaginé, mais la ville n’en était que plus mystérieuse. Nous essayâmes de trouver un hôtel. Nous tentâmes notre chance à l’hôtel Cosmos, triste tour dans un quartier triste. Nous réveillâmes le veilleur de nuit pour qu’il nous donnât un prix que nous jugeâmes indécent après notre séjour polonais.

Nous partîmes vers le centre ville, espérant mollement y trouver un hôtel. Les seuls hôtels qui semblaient encore pouvoir nous accueillir avaient des allures de « palace » soviétique auxquels on avait greffé des casinos. Après une dernière tentative infructueuse, nous dûmes prendre une décision. Il était trop tard désormais pour profiter d’une vraie nuit ; nous aurions payé notre chambre pour rien. Je proposai à Katya, puisque nous étions là, de faire une rapide visite de nuit avant de repartir vers Moscou.

Il était dit, depuis le début de notre aventure, que nous finirions par passer une nuit sans lit. Toujours à contretemps ; jamais dans le rythme ; la fin était écrite.