Une journée sans entrain et un train de nuit sans sommeil
Nous avions réservé deux billets de bus jusqu’à Hanoi auprès de la propriétaire de l’hôtel afin de ne pas revivre le trajet cauchemardesque qui nous avions enduré trois jours plus tôt. Un taxi vint donc nous chercher dans la matinée et nous déposa le long de la grand-route, où il arrêta un autobus – de taille normale – dans lequel nous avions théoriquement réservé nos places. Théoriquement, car lorsque nous pénétrâmes dans le bus, nous fûmes consternés de voir que toutes les places étaient déjà occupées. Pendant un moment, nous nous crûmes dans un de ces mauvais films où l’histoire se répète encore et encore.
Dans un premier temps – et comme toujours –, les personnes qui s’occupaient de « gérer » les passagers semblèrent ne pas réagir, espérant que les « gentils » touristes se tairaient. Quand nous commençâmes à exprimer plus fortement notre mécontentement, l’un des « stewards » se dirigea vers deux sièges, desquels il délogea sans ménagement deux Vietnamiens mécontents. Nous nous retrouvâmes avec deux sièges, soulagés et culpabilisés à la fois. C’est dans ce confort « inconfortable » que nous rejoignîmes Hanoi, plus vite que nous ne pensions.
Si, contre toute logique, nous devions « remonter » à Hanoi, c’est que nous étions obligés d’y récupérer nos passeports, sur lesquels nos visas avaient été prolongés afin de pouvoir poursuivre notre séjour au Vietnam en août. Nous nous retrouvâmes donc « malgré nous » dans la touffeur de la capitale vietnamienne. Nous gagnâmes le centre en taxi, où nous allâmes tout d’abord remercier la femme de l’agence qui nous avait vendu l’excursion en baie d’Halong – je lui avais dit que nous reviendrions lui « donner des nouvelles » en cas de mauvaise surprise, aussi me semblait-il normal d’en faire autant pour lui dire notre satisfaction – qui nous proposa gentiment de garder nos bagages pour la journée.
Nous en profitâmes aussi pour lui demander des billets de train pour Hué, où nous souhaitions nous rendre dès le soir. Hélas, nous eûmes la mauvaise surprise de constater que le peu de couchettes qui restaient étaient horriblement chères. En attendant de prendre une décision, nous allâmes récupérer nos passeports à l’hôtel où nous avions résidé lors de notre arrivée à Hanoi. Puis, sous un soleil ravageur, nous nous rendîmes à la gare, où nous espérions trouver des couchettes à prix raisonnable.
Après une longue attente – rendue plutôt agréable grâce à la climatisation –, la guichetière nous confirma qu’il n’y avait plus de couchettes bon marché. Elle nous proposa des places assises. Bien que notre premier contact avec les trains vietnamiens fût positif (voir Sapa), la perspective d’une nuit passée assis dans un train nous sembla périlleuse.
Nous retournâmes voir notre « agente », qui nous proposa les mêmes billets – assis – pour un peu plus cher encore, commission oblige. Nous étions un peu perdus, et, alors que le temps passait, nous décidâmes, sans enthousiasme, de refaire péniblement un trajet vers la gare, où nous fîmes de nouveau la queue et achetâmes deux places assises.
Nous avions prévu de profiter de la ville et de ses musées, mais ces allers-retours et ces tergiversations eurent raison de notre enthousiasme. Nous nous contentâmes d’un petit tour dans le quartier des Corporations jusqu’au marché de Dong Xuan. Vite fatigués, nous nous arrêtâmes un instant pour dîner avant d’aller récupérer nos sacs que notre sympathique agente avait gentiment gardés toute la journée. Nous nous rendîmes enfin à la gare – encore ! –, où nous attendîmes un peu notre train.
Quand le train fut en gare, nous parcourûmes les quais à sa recherche – il y avait beaucoup de trains qui partaient à intervalles réguliers. Nous trouvâmes enfin un vieux train, dont nous longeâmes d’abord avec envie les wagons couchettes. Puis nous découvrîmes notre wagon, un alignement de sièges remplis de gens, d’enfants, de bagages. Une fois de plus, nous dûmes faire déplacer deux personnes qui avaient pris possession de nos sièges.
Quand le train quitta Hanoi dans un brouhaha infernal, le couloir remplit de petits tabourets en plastique destinés aux passagers « supplémentaires », nous comprîmes que la nuit allait être difficile. Et elle le fut. Nous ne trouvâmes le sommeil que par intermittences, dérangés par les arrêts fréquents qui provoquaient un flux et reflux de passagers, les cris des enfants, les communications téléphoniques en « dolby surround » et le confort très relatif de nos sièges, que les enfants secouaient de temps en temps sans qu’aucun adulte ne bronche – en Asie, l’enfant est roi et, comme en Russie, l’éducation très permissive des parents les transforme souvent en petits « monstres ».
Du palace au palais
Tôt le matin, nous arrivâmes exténués à Hué, l’ex-capitale impériale. Nous aurions voulu nous reposer un peu, mais il nous fallait d’abord trouver un hôtel. Nous avions noté le nom et l’adresse d’un hôtel recommandé par notre guide de voyage. Nous demandâmes à un taxi de nous y conduire. Peu après, nous pénétrions dans un réseau de ruelle où se succédaient les hôtels. Nous trouvâmes celui que nous cherchions, où l’accueil, comme le vantait le guide, fut très sympathique. Hélas – heureusement ? –, la petite chambre sans charme que l’on nous proposa n’était libre que pour une nuit et nous comptions rester deux nuits. L’idée de devoir changer d’hôtel dès le lendemain nous poussa à rechercher un autre hôtel où passer nos deux nuits.
Nous essayâmes un autre hôtel de la ruelle, qui était plein lui aussi. Mais la jeune femme qui nous reçut nous conseilla un hôtel, un peu plus loin, qui venait d’ouvrir et pour lequel elle nous promettait un prix très modeste. Nous nous mîmes en route pensant sincèrement trouver en route un autre hôtel. Nous en visitâmes quelques-uns, qui, bien que corrects, ne nous enthousiasmèrent pas au point de nous encourager à poser nos bagages. Nous poussâmes donc finalement jusqu’à l’hôtel, le Serene Palace, que la jeune femme nous avait proposé, perdu au milieu d’une ruelle pas encore asphaltée.
L’immeuble, beaucoup plus haut que ses voisins, était neuf en effet. En entrant dans le hall, je croisai des ouvriers, qui s’agitaient, instruments et matériaux au bras. On m’emmena visiter une chambre au dernier étage, m’invitant à l’indulgence car, comme je l’avais noté, l’hôtel venait juste d’ouvrir et les travaux n’étaient pas finis. Lorsque la porte s’ouvrit, je fus choqué par le luxe de la chambre, son confort, et son magnifique balcon depuis lequel la vue sur la ville était imprenable. Je redemandai le prix pour être sûr – 10 dollars ! – et acceptai sur-le-champ. Peu après, je retrouvai Katya, qui m’avait attendu dans la rue, et l’invitai à me suivre, lui promettant une bonne surprise. La surprise fut bonne en effet ; nous étions sous le charme de notre chambre, surtout après cette horrible nuit de train.
On nous offrit un bon petit déjeuner – compris dans les 10 dollars – et nous retournâmes nous reposer un peu dans notre chambre. L’après-midi, nous partîmes à pied visiter l’ancienne cité impériale, située de l’autre côté de la rivière des Parfums, que nous traversâmes en empruntant l’ancien pont Clemenceau, construit par la compagnie Eiffel. Le trajet fut agréable ; nous goûtâmes à la douceur et au charme des rives verdoyantes.
Un peu plus tard, nous achetâmes nos billets et pénétrâmes dans l’enceinte de la « cité interdite » vietnamienne. Au début, à cause de la masse de touristes qui s’y pressaient, nous n’appréciâmes pas à sa juste valeur la beauté du site. Très vite, nous nous éloignâmes du « centre » pour gagner les quartiers et les rues périphériques où l’on put jouir de merveilleux moments de solitude, plongés dans des rêveries faites de gloire éphémère, de complots, de guerres et de plaisirs, de toutes les vanités sur lesquelles ce lieu avait été bâti. Partout des palais, des temples, des ruines recouvertes de fleurs, des murailles et leurs majestueuses portes ; envoûtés par le romantisme du lieu, on aurait voulu s’y perdre, voleter doucement en oubliant le temps et la faim.
Nous y réussîmes presque lorsqu’un violent orage nous poussa à franchir une enceinte qui semblait fermée aux touristes et dans laquelle nous découvrîmes un joli pavillon, entouré d’un élégant bassin circulaire. Nous eûmes à peine le temps de nous abriter que le ciel lâcha un mur d’eau sous lequel la cité disparut peu à peu. Atmosphère délicieusement inquiétante que celle de ce pavillon vide, dont les portes claquaient par instants sous l’effet de puissants courants d’air.
Nous restâmes un long moment dans notre cachette, « prisonniers » de l’orage, ravis et inquiets à la fois – le temps passait et l’horaire de fermeture du site se rapprochait. Quand le ciel fut calmé, nous abandonnâmes notre palais d’un soir pour nous glisser dans les rues lavées à grandes eaux de la vieille cité ; lavées de la poussière et des touristes, qui avaient fui l’orage. Ces dernières minutes passées dans la résidence des empereurs Nguyen furent magiques : c’était une explosion de couleurs, d’odeurs et d’évocations glorieuses.
Je ne sais comment nous réussîmes à nous échapper de cette irrésistible cité, et nous retraversâmes la rivière, plus parfumée que jamais, rejoignant le centre, où nous allâmes dîner dans un restaurant végétarien bouddhiste, visiblement connu si l’on en jugeait à l’importance de sa clientèle. La pluie reprit de plus belle pendant le repas et, le soir, nous rentrâmes fourbus à l’hôtel, abrités sous notre petit parapluie.
La rivière des défunts
La nuit fut si douce que nous éprouvâmes le plus grand mal à nous réveiller. Nous avions prévu – ou plutôt envisagé, car nous n’avions rien fait en ce sens – d’effectuer une croisière sur la rivière des Parfums pour aller visiter les tombeaux impériaux et les pagodes qui étaient construits tout au long. Quand nous nous levâmes, les bateaux des agences avaient quitté Hué depuis longtemps. En allant prendre le petit déjeuner, je demandai à notre hôtel s’ils pouvaient nous trouver un bateau privé mais ils nous conseillèrent plutôt une excursion en moto.
Nous décidâmes alors de tenter notre chance directement au bord de la rivière, où nous avions vu la veille des dizaines de bateaux à quai, qui semblaient attendre les touristes. Sur le chemin de la rivière, nous croisâmes une femme – une rabatteuse – qui attendait les touristes au bord de la route pour leur proposer tout un tas d’excursions et de services. Nous négociâmes fortement le prix de notre croisière. Elle refusa d’abord notre prix puis, voyant que nous serions inflexibles, nous rattrapa vite, acquiesça et nous emmena jusqu’au bateau avec qui elle travaillait.
On nous fit attendre un long moment sur une sorte de ponton métallique où une famille de bateliers semblait vivre. Le temps de s’amuser avec un peu avec leurs enfants et de prendre quelques photos.
Nous commencions à nous impatienter lorsqu’un bateau accosta, sur lequel nous fûmes invités à embarquer. Ce fut le début d’un merveilleux après-midi passé au fil de l’eau, pendant lequel nous nous laissâmes aller à la contemplation lente et exquise des paysages gracieux qui défilaient sous nos yeux. La rivière, la jungle, les montagnes, les cultures, les pagodes, les villages de pêcheurs : tout concourait à notre bonheur, qui ne fut troublé ni par la pluie, qui s’invita fréquemment, ni par la pression incessante de la femme de notre capitaine, qui chercha à nous vendre à peu près tout ce qu’elle pouvait – productions artisanales, souvenirs, boissons, repas – au cours de ces quatre heures de navigation.
Nous fîmes un premier arrêt à l’élégante pagode de la Dame Céleste (Chua Thien Mu), bâtie au début du XVIIe siècle sur une colline surplombant la rivière. Après quoi nous naviguâmes un long moment avant que le bateau n’accoste en pleine nature et nous débarque afin que nous allions visiter le tombeau de Tu Duc. Nous dûmes recourir au service de deux motards – encore deux filous –, qui nous emmenèrent jusqu’au temple en quelques minutes.
Ce tombeau au charme bucolique servit aussi de lieu de villégiature à l’empereur poète Tu Duc, qui s’illustra aussi par l’assassinat de son frère aîné – et d’autres membres rivaux de sa famille –, par ses 103 femmes et concubines de qui il n’eut pourtant aucun enfant et par sa « capitulation » devant la France, qui étendit son emprise sur le pays durant son règne.
En plus des stèles et monuments communs à tous les tombeaux, celui-ci possède un palais, un harem, un pavillon pour la lecture, un kiosque pour les jeux et la pêche, et même une scène de théâtre. Et que dire de ses jardins, où bassins, ponts, îlots, pins et arbres exotiques forment une harmonieuse combinaison de verdure et de constructions ? Hélas, la pluie gâcha un peu notre visite, et nous repartîmes nous abriter dans notre bateau, qui poursuivit sa remontée de la rivière, vers le tombeau Minh Mang, dernière étape de notre croisière, malgré les tentatives de la femme du capitaine, qui essaya de nous dissuader de nous y rendre.
Nous comprîmes pourquoi : le trajet fut long, mais la beauté du tombeau que nous découvrîmes valait bien cet effort. Les bâtiments, élégamment reliés par des ponts enjambant des bassins, suivent l’axe du tombeau. L’ensemble, majestueux, est entouré par deux grands étangs bordés d’arbres.
Nous profitâmes un peu du tombeau – notamment de lac de la Lune Croissante avec son pont en pierre et ses portiques – avant de rejoindre le bateau, qui fit demi-tour aussitôt et mit cape vers Hué. Fatigués par nos visites – pas seulement celles du jour –, nous nous abandonnâmes à la rêverie que ces paysages enchanteurs ne pouvaient manquer d’éveiller. Profitant du soleil retrouvé, je sortis de ma torpeur et me plaçai à la proue, afin de faire quelques photos et de goûter pleinement aux aromes de la rivière des Parfums.
En arrivant à Hué, nous allâmes déjeuner et dîner – en une fois – dans un restaurant conseillé, à raison, par notre guide de voyage. Nous pûmes faire connaissance avec les spécialités de Hué, réputée pour sa cuisine. En effet, la nourriture y est très clairement – ici et à Hoian – supérieure à celle que l’on trouve ailleurs au Vietnam ; laquelle, malgré son côté « flatteur », est plutôt médiocre et lassante.
De retour à l’hôtel, nous allâmes commander des billets de bus afin de nous rendre à Da Nang puis Hoian le lendemain. Nous eûmes la désagréable surprise d’apprendre que tous les bus touristiques étaient pleins – période estivale oblige ! Restaient bien sûr les bus locaux, mais pour rien au monde nous n’aurions remis ça (voir Tam Coc). La jeune femme de l’hôtel nous proposa dans un grand sourire de rester une nuit de plus.
Nous repoussâmes d’abord cette idée, tentant de faire le tour des agences du coin pour vérifier qu’il n’y eût bien aucun billet de bus. Et en effet, on ne nous avait pas menti. Nous retournâmes donc à l’hôtel, dans lequel nous décidâmes de rester une nuit de plus. Nous réservâmes des billets de bus pour le surlendemain. Quand nous allâmes nous prélasser dans notre belle chambre, l’idée d’y passer encore une nuit nous ravit. Finalement, cette absence de billets de bus devait être un mal pour un bien.
Le jour de(s) plus
Le lendemain matin, nous retournâmes à la citadelle pour visiter le musée de la cité impériale. Nous empruntâmes un cyclo-pousse à une place, « agrandi » d’une place grâce à un petit tabouret. Le trajet jusqu’à la citadelle fut sympathique – nos jambes avaient bien besoin de se relaxer. Arrivés au musée, nous remerciâmes notre conducteur, qui insista pour nous attendre, bien que nous lui ayons dit que nous ne souhaitions pas revenir en ville après la visite.
Le petit musée, boudé par les touristes étrangers, est pourtant magnifique – et gratuit, puisqu’il est inclus dans le prix du billet permettant d’accéder à la cité impériale. Quand nous sortîmes du musée, le conducteur du cyclo-pousse était bien là et il vint à notre rencontre. Nous lui dîmes encore une fois que nous souhaitions nous balader et que nous n’avions pas besoin de ses services.
Commença une étrange comédie : il nous suivait à distance à mesure que nous nous enfoncions dans la vieille citadelle ; à chaque fois que nous marquions un arrêt, il s’arrêtait aussi ; quand nous allions dans une boutique, il allait prendre un café à côté ou discuter avec un voisin ; parfois, il s’approchait de nous pour nous donner un conseil ou nous inviter à monter sur son petit véhicule. D’abord embarrassés – voire agacés –, nous finîmes par nous y habituer et prîmes le parti d’en rire.
Cette promenade dans la veille ville fut très agréable. Hué est une ville d’où se dégage une douceur rare – dans les cités asiatiques : petites rues bordées de jolies villas, étangs romantiques, ponts et murailles dans lesquelles des habitations et des gargotes avaient été bâties, et surtout peu ou pas de touristes à l’horizon. Seulement les habitants, accueillants et souriants, qui nous regardaient passer avec étonnement et bienveillance.
Nous pénétrâmes dans un dédale de petites ruelles, où ne put pénétrer notre ami, que nous crûmes avoir semé pour de bon. C’était sans compter sur sa persévérance ; nous sourîmes en l’apercevant, quelques minutes plus tard, à un carrefour où la route s’élargissait de nouveau. Ayant vu ce que nous voulions voir, nous nous concertâmes rapidement avec Katya et décidâmes de le « récompenser » pour ses efforts. Nous finîmes donc notre balade dans le cyclo-pousse, à la grande joie de notre ami, qui nous ramena tranquillement vers le centre, où nous allâmes déjeuner au même endroit que la veille.
Après avoir acheté des claquettes – utiles pour l’après-midi –, nous retournâmes à l’hôtel, où nous demandâmes à louer un scooter pour aller faire un tour au bord de la mer, située seulement à 12 kilomètres. L’idée semblait excellente ; sauf que je n’avais jamais conduit cet engin. L’essai que je fis dans la ruelle devant notre hôtel ne me rassura pas vraiment ; le véhicule automatique était très nerveux et bondissait au moindre tour de poignée.
La tentation était trop forte et nous partîmes donc à « l’aventure » sur notre inquiétante monture. Il me fallut non seulement la dompter mais aussi, dans le même temps, « éviter » les autres deux roues qui arrivaient dans tous les sens, se frôlant dangereusement et ne freinant qu’en cas d’extrême urgence. Le premier carrefour faillit nous être fatal, d’autant que j’avais un passager ce qui compliquait encore les manœuvres. Il fallut encore gérer l’arrêt à la station service.
Nous repartîmes tant bien que mal et après quelques minutes, je commençai à me familiariser avec notre scooter – et même à l’apprécier –, que je poussais un peu plus à mesure que le temps passait. Nous traversâmes des paysages magnifiques, comme ces ponts depuis lesquels nous observâmes des marais salés, où des pêcheurs s’affairaient sous un ciel à la lumière quasi divine. De quoi me faire regretter de ne pas avoir pris mon appareil photo.
Nous arrivâmes à la plage « à bon port ». Je garai le scooter sur un parking où stationnaient des centaines de deux-roues – c’était le week-end. Après nous être acquittés d’un modeste prix de stationnement, nous filâmes sur le sable brûlant, découvrant une mer secouée par des beaux rouleaux. Il y avait beaucoup de monde, des familles et des groupes d’amis vietnamiens qui, à l’opposé de ce que l’on voit chez nous, tentaient de se protéger du soleil, sous des parasols, des petites maisonnettes, les arbres et tout ce qu’ils trouvaient. Plus étonnant encore, les femmes se baignaient tout habillées – pas de maillot de bain pour les femmes ! –, pour se protéger du soleil ou des regards. Quand Katya se « découvrit » en maillot sur la plage, on pouvait voir les regards médusés, amusés ou gênés des passants.
Nous nous posâmes donc – au soleil ! – dans un endroit un peu moins fréquenté, où nous pûmes laisser nos affaires sans trop de risque et nous baigner sans être dérangés. L’eau était chaude et les vagues amusantes. Nous profitâmes intensément de la tiédeur de cette fin de journée, alternant bains de mer et bains de soleil. C’était le repos dont nous avions besoin ; la pause que réclamaient nos corps après ce mois de pérégrinations.
Quand le soleil fut presque caché, nous retrouvâmes notre scooter, avec lequel nous reprîmes la direction de Hué, accompagné de nombreux deux-roues. Le trajet se passa bien ; je commençais à maîtriser notre véhicule et, plus en confiance, je dépassai de nombreux scooters moins fringants que le nôtre. Nous eûmes néanmoins une ou deux frayeurs lorsque les bus ou les camions virent nous caresser de leurs fumées noires si près que le moindre écart eût été fatal.
Nous rentrâmes sains et saufs, heureux de notre petite aventure du jour et revigorés par l’air marin. Le soir, nous allâmes dîner dans un bon restaurant à l’atmosphère romantique, où nous pûmes encore vérifier la qualité de la cuisine de Hué. En revenant, nous décidâmes de changer d’itinéraire pour digérer un peu. Ce petit changement, nous offrit une bonne surprise : nous tombâmes nez à nez avec Steeve, le Français que nous avions croisé quelques jours plus tôt en haut du Hang Mua (voir Tam Coc). L’occasion de discuter un peu de nos dernières découvertes respectives – Steeve revenait d’Hoian – et aussi de lui rendre le bouchon d’objectif que je lui avais pris par mégarde.
Il nous suivit donc jusqu’à notre hôtel où nous lui montrâmes notre petit coin de paradis. C’est avec cette sympathique rencontre – il était écrit que nous devions nous revoir – que nous refermâmes notre très agréable séjour à Hué.
Ton récit nous fait partager ton voyage (c'est le but tu me diras), mais j'ai parfois l'impression d'être sur ton épaule et de tout voir avec tes yeux. Je rêve... Bises à vous deux