La croisière s’amuse
Point d’orgue d’un voyage au Vietnam, avec ses paysages irréels, ses centaines de pics déchirant la mer de Chine comme les épines dorsales d’un dragon géant caché dans les bas-fonds, la baie d’Halong enflamme l’imagination. Pourtant de nombreux voyageurs reviennent déçus – et bien pire encore. Merveille ou arnaque ? Alors… ?
Alors, tout a commencé à Hanoi, à huit heures du matin, dans l’agence où nous avions acheté nos places pour la croisière. Une longue attente jusqu’à ce qu’un minibus surchargé – et fatigué – vienne nous « ramasser ». Nous nous retrouvâmes à l’avant du bus, et je dus me contenter d’un strapontin dont le dossier était si défoncé que je ne sentis que les barres de fer durant les quatre longues heures jusqu’à la baie.
Le bus débordait de monde, mais, petit business oblige, on réussit à caser encore deux touristes. Le chauffeur et son acolyte – une sorte de guide censé nous encadrer – se montrèrent désagréables. Ce dernier, qui était assis derrière moi, avait entrepris une conversation avec le premier, hurlant littéralement dans mes oreilles. Quels débuts cauchemardesques, qui n’auguraient rien de bon pour la croisière !
La situation m’échauffa vite et, après avoir fait un commentaire à haute voix et en anglais sur la « qualité » du bus et du service, je fis comprendre au « guide » qu’il me dérangeait en me retournant avec des yeux noirs et un souffle d’agacement. Manœuvre qui l’arrêta à peu près dix secondes… et il reprit de plus belle.
Pour nous dégourdir les jambes, on nous arrêta dans une boutique attrape-nigauds géante pour touristes, où l’on pouvait presque tout acheter, y compris des statues massives livrables partout dans le monde.
Nous avions heureusement fait la plus grande partie du trajet et nous gagnâmes assez vite l’embarcadère de la ville d’Halong, où nous fûmes pris dans la cohue. Il y avait des minibus dans tous les sens, qui lâchaient des centaines de touristes, ahuris par toute cette agitation. Accompagnés de quelques passagers de notre minibus, nous fûmes vite séparés des autres, qui avaient dû opter pour une croisière sur un bateau plus gros. Nous découvrîmes notre guide – le vrai –, nettement plus sympathique que celui du minibus.
Il nous fit passer les contrôles assez vite et nous emmena jusqu’à une des nombreuses petites barques motorisées qui attendaient les touristes. La barque démarra, et nous observâmes avec anxiété les bateaux de croisière blancs qui mouillaient dans le port, nous demandant quel serait le nôtre.
Peu après, notre barque s’arrêta près d’un petit bateau un peu vieillot sur lequel nous embarquâmes. Nous fûmes accueillis dans le charmant salon du bateau – dont l’état contrastait avec l’aspect extérieur – pour boire un verre de limonade en écoutant le programme de la journée. Puis on nous conduisit à nos chambres. Deuxième bonne surprise : la chambre était très belle, très confortable, et propre.
Nous montâmes très vite sur le pont supérieur, pour profiter du paysage et des premiers pains de sucre. L’endroit était idéal, tout comme le temps, qui était une autre très bonne surprise – j’avais vu tant de photos de la baie noyée dans le brouillard. On nous appela un peu plus tard pour un déjeuner rapide, pendant lequel nous fîmes connaissance avec nos compagnons de tablée, un sympathique couple de Français originaires du Sud-Ouest. Aux autres tables, il y avait un couple de Danois, un jeune Américano-philippin et deux jeunes Américano-vietnamiens et leur père.
Nous profitâmes du pont et du paysage jusqu’à notre arrivée à l’île de Titop – baptisée ainsi en l'honneur d'un cosmonaute soviétique qui visita l'île en 1962 –, autour de laquelle mouillent la plupart des bateaux de croisière. On nous débarqua sur l’île pour en faire l’ascension par de raides escaliers où les touristes courageux, assommés par la chaleur, souffraient terriblement. Arrivé au sommet, le point de vue à 360 °C sur la baie console des souffrances endurées.
Redescendus de notre observatoire, nous nous offrîmes notre première baignade du voyage, pour laquelle il fallait être encore plus motivé que pour l’ascension, tant la mer, assiégée de bateaux touristiques, semblait polluée. En ressortant, je n’avais pas l’impression de m’être baigné en raison de la chaleur de l’eau – je suis plus habitué aux eaux fraîches de la Normandie et de la Bretagne.
Une fois revenus sur le bateau, celui-ci s’éloigna un peu de l’île et alla s’ancrer derrière une barrière de pics, en retrait du « troupeau » de touristes. Quelle heureuse surprise ! Nous étions seuls – pas de voisin à plusieurs centaines de mètres autour, ce qui est un miracle dans ce secteur ! – dans un décor de rêve.
On nous proposa une petite excursion pour explorer les alentours avant la nuit : ceux qui ne passeraient qu’une nuit à bord partirent en kayak et les autres – dont Katya et moi – furent conduits en barque à l’intérieur d’un pic – une sorte de cratère rempli d’eau – auquel on accède par une petite grotte. La lumière de fin de journée donnait un ton féerique à ce « Colysée » naturel. Un moment magique.
De retour sur le bateau, le charme se poursuivit : nous admirâmes le coucher du soleil, qui disparaissait lentement entre les pics – notre capitaine avait arrêté le bateau exactement où il fallait pour que nous puissions jouir de cet instant le plus longtemps possible. Tout autour de nous, le ciel jaunissait, s’embrasait, rougeoyait, rosissait. En observant de loin les autres bateaux déjà à l’ombre des pics, nous goûtâmes pleinement notre chance. Avec les autres passagers – qui comme moi multipliaient les photos –, nous commençâmes à nous dire que nous avions fait un bon choix pour la croisière.
Quand le soleil fut caché, on nous appela pour un cours de cuisine : toujours la confection des nems, à laquelle je m’étais déjà essayé à Sapa. Pendant que les autres écoutaient les conseils des cuisiniers, je restai seul sur le pont afin de profiter jusqu’au bout du merveilleux jeu de couleurs dont le soleil, dans un ultime sursaut avant son sommeil, gratifiait le ciel.
Le repas du soir fut délicieux – et esthétique – confirmant la belle impression d’ensemble que nous avait donnée cette première demi-journée de croisière. Nous passâmes un très bon moment à table avec nos compagnons français, avant de retourner sur le pont pour profiter de la nuit, doucement éclairée par un joli croissant de lune, qui s’était invité dans cette nuit enchantée.
Entre-temps, quelques bateaux s’étaient eux aussi invités et s’étaient arrêtés non loin de nous, mais ni leur présence ni la musique qu’ils crachaient ne purent briser le charme sous l’emprise duquel nous étions. Nous discutâmes un peu avec nos jeunes compagnons américains avant de rejoindre notre confortable cabine, où nous savourâmes notre première nuit en mer.
« Danish Beach » and « Moscow Beach »
Le lendemain, on nous servit un petit déjeuner très matinal avant de partir en excursion pour la journée. Nous saluâmes nos compagnons français et américains, qui, ayant opté pour une seule nuit de croisière, partirent visiter une grotte avant de retourner sur le continent. Puis, en compagnie du couple de Danois, nous fûmes conduits dans un petit village flottant de pêcheurs, où nous attendîmes le petit bateau sur lequel nous devions passer la journée.
Quand celui-ci arriva, le pont supérieur était déjà occupé par quelques touristes allongés sur les chaises longues. Nous nous installâmes sur des coussins à l’avant du bateau. Nous eûmes le plaisir de faire plus connaissance avec Ole et Gitte, nos compagnons danois, avec qui nous passâmes une excellente journée.
Le ciel était plus couvert que la veille ; nous eûmes même quelques légères averses qui nous obligèrent à rentrer par instants dans le salon du bateau. Averses vite séchées par l’air chaud et le soleil à peine voilé par les nuages – nous renvinmes avec de gros coups de soleil !
Le bateau s’arrêta une première fois et nous prîmes tous place dans les kayaks que le bateau tractait pour partir explorer les pics et les grottes alentour. Une d’elles était si étroite qu’il y avait juste la place pour un kayak – il fallait s’aider des pagaies pour éviter de toucher les murs – ; elle déboucha sur un magnifique cirque vert et gris, où la roche des pics se mélangeait à la végétation qui s’y était accrochée.
Ce petit tour en kayak au milieu des pics – loin de la grosse agitation touristique de la veille – fut délicieux. Nous étions heureux d'avoir fait le bon choix avec cette croisière de deux nuits : la deuxième journée dans la baie est indispensable pour apprécier vraiment la magie du lieu.
Au retour sur le bateau, on nous servit un déjeuner savoureux, où nous nous régalâmes du fruit de la pêche locale. Ce fut l’occasion aussi de faire connaissance avec nos autres compagnons : il y avait un couple d’Argentins partis pour un long tour du monde, un Italien et sa femme anglaise et un couple australo-anglais.
L’après-midi, le bateau s’arrêta une nouvelle fois au milieu d’un merveilleux décor et nous eûmes quartier libre : baignade – avec plongeons depuis le haut du bateau, dont Ole fut indéniablement le grand gagnant ! –, sieste, et balade en solitaire en kayak, au cours de laquelle chaque équipage trouva « sa » plage de rêve, ces petites criques de sable blanc et aux eaux turquoises nichées au creux des gros rochers.
Hélas, il nous fallut quitter nos « Danish Beach », « Moscow Beach » etc. pour repartir vers notre prochaine étape, un gros village flottant de pêcheurs – plusieurs centaines d’habitants ! –, que nous traversâmes lentement avec notre bateau, observant la vie et l’activité, qui s’y était développées, bravant les lois de la nature.
Notre dernière étape fut la visite d’une culture de perles, qui était surtout prétexte à alléger les touristes de leurs dongs – malgré tout, la pression des vendeurs resta acceptable. La visite finie, nous prîmes congé de nos compagnons d’un jour pour regagner notre bateau, qui était venu nous chercher.
Nous naviguâmes jusqu’à l’île de Titop, près de laquelle le bateau s’arrêta jusqu’au matin. L’emplacement était nettement moins romantique que la veille : nous mouillions au milieu d’une flotte de bateaux de tourisme. Le coucher de soleil lui aussi semblait moins beau que la veille, même s’il s’avéra plus photogénique que je ne pensais.
Le soir, nous découvrîmes deux nouveaux compagnons, japonais – une rareté au Vietnam comme en Chine ! –, qui nous avaient rejoint pour la nuit. L’ambiance à bord était très paisible, comme nous l’avions rêvé : nous avions le bateau pour six. Nous nous retrouvâmes à table avec nos amis danois, avec qui nous passâmes une très bonne soirée. Le couple japonais s’avéra très ouvert et très direct, contrairement à ce que j’attendais – la femme du moins, car son mari ne parlait pas un mot d’anglais. A la fin du repas, ils nous invitèrent même à venir les voir à Tokyo en nous donnant une carte de visite. La femme semblait investie dans un programme social au Japon où elle avait accueilli des enfants russes, nous expliqua-t-elle.
Nous nous couchâmes en tentant d’apprécier intensément cette dernière nuit sur l’eau dans ce merveilleux décor.
Toujours plus de surprises
Le lendemain matin, nous eûmes la surprise de nous réveiller sous la pluie. Toute la baie était cachée derrière un épais rideau d’eau. Après le petit déjeuner, on nous emmena non loin de là visiter la grotte des Surprises, (re)découverte par deux jeunes Françaises au temps des colonies.
La grotte, de laquelle nous n’attendions rien, nous enthousiasma par sa beauté et son volume. L’inondation provoquée par la pluie à l’intérieur rajoutait encore à la magie du lieu. Le point de vue sur la baie – balayée par des trombes d’eau – depuis l’ouverture dans la paroi au sommet de la grotte était tout aussi stupéfiant.
Nous regagnâmes le bateau avec nos compagnons et dégustâmes notre dernier déjeuner en repartant vers le port d’Halong. Nous remplîmes une dernière fois notre âme des images des pics que nous croisions.
Avant l’arrivée, il fallut régler les extras – boissons – et on nous sollicita pour un pourboire, que nous donnâmes avec plaisir tant le temps passé à bord et en excursion nous avait ravi. A l’arrivée, nous nous séparâmes avec émotion de nos compagnons – nous espérons bien aller voir Ole et Gitte du côté de Copenhague ! et pourquoi pas, un jour, nos compagnons japonais d’un soir – et partîmes seuls à la recherche d’un taxi pour rejoindre la gare routière, où nous espérions trouver un bus nous conduisant vers notre prochaine étape. Nous ne savions pas encore combien nous allions regretter le confort de notre charmant petit bateau…
Encore un coin qu'il va falloir aller visiter.... a+
Oui, c'est magnifique ! Mais il faut vraiment faire attention au choix de la compagnie de croisière et espérer un temps sympa... A++
C'est bien comme je l'imaginais. J'aime. Je suis actuellement sur la région parisienne avant mon départ pour mon petit voyage. Bises